Une chose à laquelle on peut toujours s’attendre de Ryan Chetiyawardana et ses compatriotes du Lyan, c’est l’inattendu. Prendre la décision de fermer puis réinventer le White Lyan au plus fort de son succès -leur bar novateur primé à plusieurs reprises- en est l’exemple parfait. Qui aurait pu s’y attendre ?

Mais là encore, rien de ce que cette équipe peut faire ne peut être considéré comme prévisible. Vous voulez une preuve ? Pensez à l’annonce dingue qu’ils ont faite après que leur avant-poste hôtelier cinq étoiles, Dandelyan, ait été sacré numéro 1 sur la liste des 50 meilleurs bars du monde. Il n’y a qu’eux qui penseraient à dire « sayonara » à cet établissement très prisé et le ferait réellement.

Ce chapitre de l’aventure Lyan a pris fin dimanche 17 mars. Naturellement, il y a eu une fête. Et une sacrément bonne, comme le fut la fête qui a suivi au même endroit 11 jours plus tard, cette fois-ci pour célébrer l’ouverture de Lyaness, la toute nouvelle création de l’équipe.

Alors quelle est son histoire ? L’agencement du lieu est toujours le même. A quoi est-ce que vous vous attendiez ? Ryan, son co-propriétaire et compatriote à l’esprit espiègle Griffiths, le bar manager du groupe Alex Lawrence et le directeur créatif Jacu Strauss ont beau être intelligents et cools, mais même eux ne peuvent rien faire pour modifier radicalement la taille ou la forme de l’espace, changer les baies vitrées donnant sur la Tamise ou même encore la pièce maîtresse, le bar en marbre. Et pourquoi diable le feraient-ils ? Les aménagements sont splendides, pérennes et pertinents. Au lieu de cela, l’équipe s’est attachée à repenser l’apparence, la fluidité et l’ambiance de l’espace, tout comme la clientèle qui les fréquentera.

Finis les murs verts sombres maussades et les tapisseries audacieuses en lilas, une ambiance et une palette de couleurs différentes s’offrent à vous, cette fois centrée sur une nuance dramatique tout aussi différente : un bleu ciel et un gris clair plus subtil. Certains pourraient penser que les pastels sont doux et discrets, ce qu’ils sont dans une certaine mesure, mais il y a une vraie puissance ici. Les tonalités sont sophistiquées, denses et chaque détail choisi avec attention, cela dit, le lieu est très aéré. De même, le menu est centré sur les ingrédients plutôt que les cocktails. Faites votre choix parmi l’une des trois boissons présentées dans chaque section, parmi Infinite Banana, Purple Pineapple, King Monkey Nut, Aromatised Milk Wine et Ultra Raspberry, ainsi que deux sections avec le même état d’esprit autour des spiritueux collaboratifs du groupe : Onyx (une production de Lyaness x Empirical Spirits) et Old Fashioned Whiskey (où Lyaness fait équipe avec les gars de Compass Box). Des échantillons de tous les ingrédients de base sont disponibles à 2£ chacun.

Nous ne les avons pas tous essayés (pour le moment …) mais nous sommes tombés amoureux du Cavendish Americano de la section Infinite Banana (Patrón Reposado, Æcorn sweet aperitif, infinite banana, Ceylon Arrack) ; du Rosa Daiquiri sous la bannière Onyx (Grey Goose, Onyx, Trois Rivières, Cocchi Rosa, citron vert) ; du Air Mail que l’on trouve dans la section King Monkey Nut (Beurre de cacao au citron, Gin Plymouth, King Monkey Nut, Cognac Hine, pétillant) ; et le White Sbagliato, mettant en vedette Purple Pineapple (Gin Tanqueray, Purple Pineapple, Cocchi Americano, Champagne). Tous vraiment canons et point bonus ; la plupart des drinks peuvent être préparés sans alcool.

Nous avons discuté avec Ryan et Alex le premier jour de l’ouverture officielle pour connaître les dernières nouvelles…

Sur la fermeture de Dandelyan…

Ryan : Lorsque nous avons ouvert Dandelyan, 4 ans auparavant, cela était dans la tendance de ce qui se passait dans l’industrie et on avait réussi à façonner un mouvement en faveur d’une consommation responsable à Londres. C’était logique. Mais maintenant, si vous le regardez d’un point de vue objectif, uniquement business, il y aurait eu un moment où Dandelyan aurait commencé à perdre de son éclat. Gagner ces prix et réaliser ses volumes ne pouvaient finir que d’une seule façon. On pourrait dire que nous n’avons pas de vision à long terme, mais j’estime que créer Lyaness est l’évolution adéquate et nous donne une chance de longévité. Ce genre de ‘concept non-conceptuel’ que nous avons choisi ici signifie que nous ne sommes pas contraints par le temps – ce qui aurait pu arriver avec les thèmes que nous avions chez Dandelyan.

Alex : White Lyan et Dandelyan était très conceptuels, Cub (qui a succédé à White Lyan) et Lyaness plus directionnels, c’est une chose continuelle. Chez Dandelyan, nous avons exploré la botanique moderne jusqu’au bout, cela se serait contredit si nous avions continué à le faire.

À la naissance de Lyaness …

Ryan : Je crois vraiment à l’idée que d’aller toujours vers le haut aide tout le monde. À l’heure actuelle, beaucoup de choses divisent dans l’industrie, je ne nous ai jamais vu comme ça. J’aime ce qui se passe autour de nous mais je pense qu’il est vraiment important que nous réfléchissions à ce que nous pouvons encore changer. Que pouvons-nous proposer ? Pas simplement pour le plaisir ou au détriment d’autre chose, mais parce qu’il est important de poursuivre la conversation. White Lyan était une niche ; c’était dans l’est de Londres, donc ça pouvait être audacieux. Lorsque nous développions Dandelyan, nous savions que la proposition était complétement différente. Environ 4,5 millions de personnes utilisent cette passerelle (devant le bâtiment) chaque année. Nous avons donc dû réfléchir à la manière dont nous pourrions élargir notre public. Dandelyan a réussi cela, mais c’était quand même une histoire de cocktail. Avec Lyaness, nous voulons être plus inclusifs.

Sur la raison d’être de cette nouvelle aventure ….

Ryan : Ce que nous essayons de faire, c’est de montrer à quel point les cocktails peuvent être un moyen merveilleux de rassembler les gens. Londres a cette incroyable diversité de palais ainsi qu’un formidable enthousiasme pour la nourriture et les boissons… mais encore beaucoup trop de monde n’utilisent pas les cocktails dans ce sens. Je pense que c’est dommage – non seulement parce que c’est quelque chose que l’équipe, la plupart des gens que nous connaissons et moi aimons, mais aussi car les cocktails, plus que tout autre aliment, sont une véritable magie. Alors nous avons réfléchi : comment pouvons-nous faire découvrir cela à plus de personne ? Comment pouvons-nous faire quelque chose qui ne met pas seulement en avant des boissons mais aussi les ingrédients qui les composent ? Dans un sens, nous jouons avec les bases avec lesquelles Dandelyan était si réussi, et nous les renforçons vraiment, en les plaçant au centre de l’espace. C’est donc une évolution naturelle : tout comme Cub est né de White Lyan, Lyaness est né de Dandelyan, mais il nous donne l’occasion de nous concentrer sur quelque chose que nous pensons être en adéquation avec le paysage actuel de la scène cocktails.

Sur la signification derrière le nom…

Ryan : Quand on regarde la fierté des lions, on voit que ce sont les mâles qui sont les paresseux ; ils ne font rien avant d’avoir besoin d’intervenir. Les lionnes, de l’autre côté, sont les chasseuses, celles qui parlent au sein de la meute. C’était un merveilleux reflet de ce qui se passe au sein de notre équipe, nous voulions montrer cette force de caractère – Lyaness a cette audace.

Sur le bleu rapsodisant…

Ryan : Lorsque nous décrivions l’atmosphère de ce que nous recherchions, le mot « électrique » revenait sans cesse et Jacu [Strauss, Directeur créatif], l’a repris. Le bleu qu’il a choisi est un bleu clair -qui, dit-il, est très démodé dans le monde du design à l’heure actuelle- pensé comme un reflet de nos discussions. Nous étions un peu incertains au début, mais lorsqu’il a expliqué qu’il pensait que cette palette de couleurs unique fonctionnerait très bien, nous l’avons suivi. Et je suis content que nous l’ayons fait. Honnêtement, quand je suis entré et que j’ai vu la pièce pour la première fois, « électricité » était bien le meilleur mot de décrire ce que je ressentais. On se sent comme chez soi et c’était l’une des choses que nous voulions vraiment avoir ; cela vient clairement cristalliser notre vision de l’espace.

Sur le soutien de l’hôtel…

Ryan : Nous sommes tellement chanceux que le partenariat que nous avons avec l’hôtel a toujours été axé sur l’équilibre et le respect mutuel. Ils apprécient ce que nous faisons et ce que nous apportons et nous sommes évidemment très reconnaissants pour leur apport de leur côté. Quand j’ai commencé à parler de notre vision de Lyaness, ils étaient très compréhensifs. Je pense qu’ils comprenaient que c’était vraiment important pour nous.

Se donner 10 jours pour donner vie à leur nouvelle vision…

Ryan : Ouais, c’était plutôt ridicule ! Nous savions que c’était ambitieux mais pensions que nous pouvions le faire. Remarquez que, pendant que nous étions dans la tourmente, nous nous sommes dits : « C’est un véritable coup de pression ! »

Sur le nouvel aspect et ambiance du lieu…

Ryan : Nous avons changé la dynamique pour que tout le monde soit assis. Nous voulions avoir un aspect confortable pour que vous vous sentiez comme dans la maison de l’équipe, ce qui signifie qu’ils peuvent vous guider et prendre soin de vous. C’est aussi plus convivial d’avoir des gens assis de cette façon. C’était un grand facteur de motivation de mon point de vue.

Alex : Dandelyan était plus busy que jamais. C’est un gros problème et nous avons pointé du doigt pourquoi il fallait casser cet aspect, mais avec Lyaness, nous avons tout contrôlé et tout repensé. Même si on a cette sensation de luxe, elle n’est pas étouffante. Lorsque nous avons testé les premiers services, tout le monde était assis très près les uns des autres, discutant et la salle était beaucoup plus vivante. Dandelyan était grand et les invités n’interagiraient pas nécessairement avec d’autres tables. Cela pourrait sembler être assez gênant, mais maintenant -on ne sait jamais- il pourrait se créer un coin entiter dédié à la conversation. Et tant qu’il est confortable, guidé et pris en compte, je pense que ce peut être une chose vraiment incroyable d’aller dans un bar d’hôtel et de se faire de nouveaux amis – c’est juste quelque chose qui ne se fait pas habituellement dans un environnement de luxe. Vous pouvez le faire dans un pub mais avoir la capacité de contrôler cela de manière réfléchie est incroyable.

Sur la réflexion derrière les boissons…

Alex : Nous avons choisi de nous éloigner de la carte des cocktails traditionnels pour nous concentrer sur sept ingrédients communs et familiers à la plupart des gens. Cela permet aux clients de s’engager réellement dans leurs choix de cocktails et d’insuffler dans cette expérience de dégustation un tout nouveau niveau de participation et… de plaisir.

The Prelude : purple pineapple with Elyx, grass, Æcorn dry aperitif  and lactic acid soda

Sur le sentiment de peur (et y allant quand même…)

Ryan : Je suis inébranlable quand j’ai un objectif mais j’étais en même temps un peu terrifié. J’ai toujours réussi ainsi, en fait – j’ai donné des conférences sur le sujet parce que je pense que c’est vraiment important : non seulement cette peur est un facteur de motivation, mais je pense que c’est un excellent moyen pour montrer que vous faites le bon choix. Je pense que nous devons avoir peur, c’est un bon contexte de travail et j’ai le sentiment que c’est une mentalité qui me guide dans la vie en général. Je ne suis pas fan des choses faciles personnellement, c’est certain, mais si vous vous lancez un défi, cela montre simplement que vous agissez pour les bonnes raisons.

Il est important de regarder ce que nous faisions avant et ce que nous sommes impatients de faire ensuite et c’est ce que Lyaness personnifie.

Sur les ingrédients, héros du menu…

Ryan : Je ne peux pas choisir mes favoris, c’est comme demander de choisir mon enfant préféré. Cependant, je dirai que la banane et la noix sont vraiment très intéressantes. Comme dans toutes les sections, il s’agit de comprendre les différentes manières de transformer les arômes et d’utiliser des techniques telles que la fermentation, les microbes et l’oxydation pour séparer les choses. Dans le cas de la banane, nous avons développé quelque chose qui correspond à chaque tranche du fruit. Vous obtenez des arômes fumés, riches et profonds -et pas seulement la banane caramélisée que l’on connaît tous- ce sont tous ces merveilleux éléments tropicaux qui vous transportent sur une île déserte.

• Lyaness •

Sea Containers London, 20 upper Ground, Londres SE1 9PD
lyaness.com