Monkey 47 a su s’imposer très rapidement comme l’une des marques les plus fortes du marché du gin. Pour dire, Monkey 47 -qui n’a même pas 10 ans- a déjà suscité la curiosité de Pernod-Ricard. Comment cette marque arrive-t’elle encore à rester craft ? Reportage complet au coeur de la Forêt Noire.

Montgomery Collins et la légende de Max

En juillet 1945, le lieutenant-colonel Montgomery « Monty » Collins de la Royal Air Force, amateur de montres mais aussi de cricket et globe-trotteur à ses heures perdues, a été posté dans le secteur anglais de la ville de Berlin, divisée en deux à cette époque. Fils d’un diplomate anglais, il est né en 1909 dans la province indienne de Madras sous gouvernance britannique. Là-bas, Collins a très vite découvert le pourvoir du langage et a donc appris 5 langues différentes, l’allemand étant l’une d’entre elles. Arrivé à Berlin après la fin de la guerre et prenant ses fonctions dans l’administration, le commandant Collins a été profondément affecté par l’ampleur des dégâts subis par la capitale et a donc décidé d’aider à la reconstruction de l’Allemagne pendant son temps-libre. Il est devenu dévoué à la reconstruction du zoo de Berlin où il devint le parrain d’un singe s’appelant Max. Montgomery Collins quitta la Royal Air Force en 1951. Poussé par son désir d’apprendre l’art de la fabrication de montres ; il déménagea par la suite vers le nord dans la région de la Forêt-Noire. Cette passion fut malheureusement de courte durée car Collins n’était pas très talentueux en la matière.

Jamais à court d’intérêt pour de nouvelles choses, il décida d’ouvrir une maison d’hôte et de la nommer « The Wild Monkey » en l’honneur de Max, le petit singe. En tant que gentleman britannique et nouveau propriétaire, Collins n’était pas près de renoncer à certaines traditions de longue date de l’empire, notamment un bon verre de gin. Ce qui donna naissance à son attrait pour la production de la plus anglaise des boissons. Les baies de genévrier, l’ingrédient vital pour produire le renommé jambon de la Forêt-Noire, se trouvait en abondance tout comme l’eau pure et une grande variété de plantes : pour Montgomery Collins, une base naturelle et régionale pour la confection de sa recette unique de gin de la Forêt-Noire. L’histoire de Collins se perdit au début des années 1960 jusqu’à ce que la rénovation de la maison d’hôte mène à la découverte d’une lourde boite en bois contenant une bouteille et une lettre. La bouteille poussiéreuse avait été étiquetée et décorée à la main. En dessous de l’esquisse d’un singe, on pouvait lire les mots « Max the Monkey, Schwarzwald Dry gin » en lettres noires. La lettre accompagnant la bouteille contenait des notes personnelles, des photographies mais aussi une description détaillée des plantes et ingrédients que Montgomery utilisait dans sa recette. La légende était née.

The Black Forest Distillers

En 2006, Alexander Stein, le descendant des Cognacs Jacobi et manager chez Nokia, a été informé de l’existence d’une recette extraordinaire de gin provenant de la Forêt-Noire. Stein a rapidement été conquis par la légende de ce jeune officier de la Royal Air Force, avec sa biographie riche et variée. Il a été tout de suite enchanté par l’idée de produire un gin de la Forêt-Noire à partir d’ingrédients régionaux et de ramener le Monkey à la vie.

« Nous avons donné à notre Black Forest Dry Gin le nom Monkey 47 en mémoire du commandant Collins et de son singe, Max, ainsi qu’en référence aux 47 plantes botaniques qui le composent. »

Fin 2008, Stein quitte Nokia après avoir passé plusieurs années à l’étranger et retourne dans son Allemagne natale à Baden Württemberg où il fonde Black Forest Distillers. Le choix du nom Black Forest fut évident, d’une part ses paysages naturels et d’autres part, de l’origine des ingrédients essentiels composants le Monkey. Il faudra deux années, de 2010 à 2012 pour finaliser la recette actuelle.

Schaberhof et la distillerie The Wild Monkey

Dès le début, les gardiens du Monkey ont eu à cœur de ramener la production de leur alcool au sein de la Forêt-Noire. Ce qui a mené, en 2013, à l’acquisition d’une ferme locale qui avait été bâtie en 1840. Le Monkey a toutefois fait quelques détours avant de retrouver son habitat natal. Effectivement, le développement et les premiers essais du Monkey 47 ont été principalement dictés par le souhait d’obtenir la meilleure qualité en limitant les coûts. Sous ses restrictions, les gardiens étaient initialement disposés d’investir uniquement dans le produit en lui-même et dans sa qualité, faisant passer l’infrastructure au second plan. Jusqu’à l’achat de la ferme Schaberhof et sa reconstruction en 2015, la distillerie Stählemühle, proche de Hegau, a servi à la production du Monkey 47, de 2012 à 2015.

Depuis 2015, Monkey 47 est produit dans la Forêt Noire, à la distillerie surnommée The Wild Monkey. Cette installation est située à Schaberhof au sud de Lossburg, près d’un ancien village appelé Vogelsbergs qui a fait sa première apparition dans les annales de l’histoire autour de l’année 1297. Construite par la famille Schaber, la ferme du Monkey 47 Black Forest possède sa propre grange et un magnifique perchoir niché au milieu de vergers. Jusqu’à son achat par Black Forest en 2013, le Schaberhof était un lieu d’agriculture traditionnelle et d’élevage transmis durant 5 générations. Suite à une phase importante de planification, les nouveaux propriétaires ont commencé à remettre en état la ferme telle qu’elle le fut autrefois. Cet effort, qui inclue la reconstruction et la rénovation jusqu’au cœur de la ferme, a permis au Schaberrhof de resplendir de nouveau du haut de Vogelsberg comme dans son ancien temps. L’extérieur de ce corps de ferme est recouvert par de classiques bardeaux de bois fendus à la main, typiques de la région, les fenêtres d’écuries cimentées à la main individuellement furent posées sur la façade avec des rebords en grès coloré et sa façade extérieure est de nouveau bleue cobalt, couleur typique de la région.

L’élaboration du Monkey 47

Faire les choses à la main est une question d’honneur, c’est pourquoi Monkey 47 contient uniquement des ingrédients qui ont été récoltés ainsi. Un certain nombre d’entre eux, comme par exemple l’écorce d’orange amère, de citron et de pomelo, doivent être frais lorsqu’ils sont ajoutés au macérât avant la distillation. Cela nécessite donc l’aide des habitants de la région qui travaillent dur et qui sont prêts à se présenter au travail à 7 heures tous les matins. D’abord, les airelles macèrent entre 5 et 9 jours dans de l’eau et de l’alcool de molasse à 69°, mélange qui titre au final environ 40°. Les botaniques -47 au total, pour ne pas le rappeler- sont ensuite ajoutées pour une seconde macération de 36h. Les barils de 60L sont ensuite envoyés en distillation : 1 baril = 1 batch.

Pour concilier tradition artisanale et ingéniosité de la Forêt Noire, Black Forest a fait produire ses alambics sur-mesure. L’équipe a travaillé avec un chaudronnier basé à Markdorf, Holstein, pendant plus de deux ans pour dessiner et fabriquer une unité de distillation unique en son genre. Assemblé uniquement à la main en utilisant des méthodes traditionnelles, l’Apparatus Alembicus Maximus représente le cœur battant de la distillerie The Wild Monkey.

Pendant la phase de conception, les distillateurs de Black Forest ont pris la décision d’écarter toute approche industrielle qui aurait garanti une plus grande capacité de production, au détriment de la qualité. Fidèle à la maxime « less is more », la compagnie a décidé de passer de l’alambic de 1000L conventionnel à 4 alambics de 100 litres, chacun portant le nom d’un simien (singe) connu : King Louie, Cheetah, Herr Nilsson et Miss Baker. Chaque alambic est chargé avec les 60L de macérât auxquels on ajoute 40L d’eau. Les botaniques se retrouvent à trois niveaux en fonction de leur fragilité et/ou de leur puissance aromatique : directement dans la cuve avec l’alcool, dans un panier à botaniques suspendu dans la cuve ainsi que dans un tiroir à la sortie de la colonne. La distillation d’un batch dure 1h30 : les têtes sont coupées à 500/700ml et les queues à 8/9L pour donner un coeur de 23L environ.

Ce process de distillation permet au maître distillateur de maîtriser les arômes spécifiques et d’intensifier les éléments plus subtils -tels que les notes florales- qui servent alors de contrepoint aux composants les plus dominants comme la genièvre. Aussi fastidieux que cela puisse paraître, c’est cette technique qui permet aux délicates notes florales du Monkey 47 de survivre pendant le processus de distillation.

Pendant l’oxydation et les trois mois de stockage dans des récipients en terre cuite, le distillat développe la souplesse et l’équilibre qui font Monkey 47. La qualité exceptionnelle de l’eau de la nappe phréatique de la Forêt-Noire mérite une autre mention spéciale : avec son taux de sel et de minéraux faible, cette eau est le complément parfait à tous types de distillats. En dehors d’un processus de filtration élémentaire par un filtre à plaques, Monkey 47 est laissé complètement non filtré pour préserver ses arômes uniques et complexes.

Le design de la bouteille 

Beaucoup de soin et d’attention au détail a été accordé à l’aspect de Monkey 47. Le moule sur-mesure représente la renaissance d’un ancien flacon de pharmacie qu’Alexander Stein a découvert lors d’une promenade avec son fils. La décision d’utiliser un verre pharmaceutique marron a été prise seulement par soucis de qualité et non pas d’esthétisme car le verre teinté protège le précieux contenu des rayons UV. Enfin, l’étiquette du Monkey 47 dessinée à la main est une histoire en elle-même : comme un tampon de l’ère coloniale victorienne, elle décrit le récit du passé de Montgomery Collins et met en avant les ingrédients régionaux.

Distiller’s Cut

Animés par une curiosité professionnelle, un amour des expériences sensorielles et un penchant prononcé pour les arômes uniques, les distillateurs de la Forêt-Noire ont lancé leur recherche de Species Rara (espèces rares) -l’ingrédient singulier qui entre dans la composition de leur Monkey 47 Distiller’s Cut- depuis maintenant 6 ans. Une fois par an, Monkey 47 produit seulement 4 000 bouteilles en édition limitée de son Distiller’s Cut, batch qui entretient chaque année l’enthousiasme des amateurs de gin et des barmen avertis pour Monkey 47 (sans oublier Monkey 47 Barrel Cut).