Le genièvre est l’ingrédient principal et indispensable du gin. En effet, pour qu’un gin puisse porter son nom, la note dominante doit venir de cette petite baie, socle d’une catégorie qui n’en finit pas d’être créative, quitte parfois à en devenir caricaturale. Focus sur le genièvre, colonne vertébrale du gin, sur les terres toscanes de Bombay Sapphire.

Quand on parle de la déferlante de tous ces nouveaux gins à Ivano Tonutti, Maître Herboriste depuis plus de 25 ans pour les marques du groupe Bacardi-Martini, est catégorique : « le gin craft est devenu tellement à la mode qu’il n’en reste que du marketing », avant d’ajouter « sans regarder la qualité contestable de certains ». Il n’a pas tord sur le fond, Ivano, le « craft » est tellement tendance que des distilleries à peine sorties de terre clament déjà la qualité artisanale de leurs produis, sans avoir d’expérience et sans avoir testé sur la durée leurs jus… Chez Bacardi-Martini, « chaque nouveau produit passe au minimum par 4 mois de vieillissement, de tests qualité et de contrôles sanitaires ». Ivano se déplace également 5 à 6 fois par an sur l’ensemble des sites de productions de matières premières, autant dire qu’il est plus souvent dans l’avion que chez lui… mais ce travail est indispensable, l’erreur n’est pas permise avec Bombay Sapphire qui nécessite pas moins de 2 tonnes de genièvres chaque année.

Le rendez-vous est pris tôt, puisqu’il faudra pas moins de deux bonnes heures sur les routes sinueuses de Toscane, en Italie, pour atteindre une zone stratégique de Bombay Sapphire : la province di Michelangelo. C’est ici que la marque au bleu iconique source la majeure partie de son genièvre. Il faut dire la plante se plait dans la région qui culmine entre 900 et 1200m d’altitude. Et ça tombe bien, puisque le genévrier est difficile à planter et à cultiver. Le genièvre toscan est d’ailleurs une variété plus petite qu’au nord de l’Europe ; le climat y faisant pour beaucoup, entre hiver sec à -5° qui élimine la vermine et été chaud qui frôle avec les +35°. Ce terroir toscan rend le profil du genièvre « plus délicate et ouvert » selon Ivano.

Dans la région di Michelangelo, les spots sont secrets, très secrets. Entre terrains privés et concessions de l’Etat, impossible de distinguer les coins à genièvre depuis la route, d’autant plus qu’il faut un permis spécial pour la cueillette seulement délivré aux locaux. Ça tombe bien, Leonello Pastorini et sa femme ont ce fameux sésame depuis plusieurs années. Tous les ans, de septembre à décembre, ce couple de sextagénaires sillonne les routes à bord de leur vieille Fiat Cinquecento increvable. A chaque stop, le rituel est le même : attelés de leurs paniers typiques et de leurs bâtons, ils vont d’arbustes en arbustes et répètent le même geste, simple et technique à la fois. Panier sous la branche visée, pleine de baies les plus rondes et bleues possible -gage de maturité, ils frappent cette dernière pour en recueillir les genièvres.

Le travail est rude : froid, pluie, accessibilité difficile, « pour vivre ici, il fait être né ici » s’amuse Ivano, né à Turin, qui a lui même commencé la transmission de ses connaissances. En effet, cette tâche aussi laborieuse qu’indispensable est essentiellement réalisée par des retraités locaux, pour des compléments de revenus. Les baies de genièvre sont ensuite séchées pour leur conservation, sous les toits, sans lumière directe. La suite ? Elle se passera à la distillerie de Laverstoke Mill