Si la tequila est l’une des catégories de spiritueux les plus en vogue outre-Atlantique, notamment portée par la margarita -toujours le cocktail le plus commandé aux USA- elle reste encore trop méconnue en France. Voici donc quelques informations plus ou moins capitales pour briller lors de votre prochaine soirée à la Candelaria.

1. Dis-moi quel est ton NOM je te dirai qui tu es

Quelle que soit la bouteille de tequila que si trouve devant vous, celle-ci comporte un code à 4 chiffres appelé NOM (pour Norma Oficial Mexicana). Ce code permet d’identifier dans quelle distillerie la tequila a été produite. Parce que voilà, pour les quelques 1400 marques de tequila aujourd’hui sur le marché, il n’y a que 160 distilleries ! A peine une vingtaine de marques disposent de leur propre outil de production – dont la marque Patrón, qui vous propose de découvrir l’origine de votre tequila préférée grâce à ce « NOM locator » : patrontequila.com/our-story/nom. Nota bene : certaines marques peuvent être embouteillées à l’étranger, hors du Mexique. Autre application du genre : Tequila Matcher est très efficace ! tequilamatchmaker.com

2. 1978

La tequila est l’un des spiritueux les plus réglementés au monde: au même titre que le cognac, son aire de production est protégée par une appellation d’origine depuis 1978. Et depuis 1994, le CRT (Consejo Regulador del Tequila) contrôle les pratiques des producteurs et leur accorde le droit d’utiliser le terme « tequila » sur leurs bouteilles. La zone de production délimitée par le cahier des charges de l’appellation comprend 5 états : Guanajuato, Michoacán, Nayarit, Tamaulipas, et Jalisco. C’est ce qu’on peut lire dans tous les articles sur le sujet, mais il convient quand même de préciser que la quasi-totalité de la production (autour des 98% !) provient de Jalisco.

3. Cocorico

Il y a deux grandes catégories de tequila : l’entrée de gamme, qui ne comporte que 51% d’agave dans ses sucres fermentescibles, et le premium, 100% agave. La tequila vient donc de l’extraction du jus d’une plante typiquement mexicaine : l’agave. Et contrairement à ce que l’on peut parfois lire, l’agave n’est pas un cactus mais une plante de la famille Agavoideae. Il s’agit d’une plante grasse cousine de la… fleur de lys ! D’ailleurs en parlant de symbole français, ce n’est pas le seul lien qui relie l’agave et la tequila à la France. Sur les centaines d’espèces d’agaves recensées, et contrairement au mezcal, une seule peut être utilisée pour la production de tequila : l’agave bleue Weber (Agave tequilana). Elle tire son nom de Frédéric Albert Constantin Weber un naturaliste français -même s’il est né en Allemagne- qui fut le premier à décrire cette espèce dès 1902.

4. Gotham City

L’agave, ou el maguey comme on l’appelle au Mexique, possède d’ailleurs un mode de reproduction singulier : au bout de six longues années elle produit une longue tige (quiote) couronnée de fleurs. Les fleurs de l’agave s’ouvrant la nuit, un pollinisateur nocturne était nécessaire pour assurer les échanges de pollen ; c’est une petite chauve-souris au museau allongé qui s’en chargera. Cependant avec l’augmentation rapide de la demande, les cultivateurs d’agaves ont cherché à gagner du temps en replantant les hijuelo (les rejets de l’agave qui poussent à son pied), au lieu d’utiliser des graines issues des fleurs. Cela a entrainé un appauvrissement du patrimoine génétique des plans d’agaves faisant courir un risque sur ce fragile écosystème. Heureusement grâce au Tequila Interchange Project, des tequilas « bat friendly » ont vu le jour. Celles-ci sont issues de modes de productions plus durables, grâce à des champs dans lesquelles les producteurs ont laissé fleurir au moins 5% des agaves pour permettre aux chauves-souris de s’en nourrir. Tequila Ocho a été l’une des premières marques à rejoindre le programme. On vous en parlait déjà sur Alambic ici : Bat Friendly Program

5. Agave Shortage

On n’a jamais autant bu de tequila : c’est la deuxième catégorie de spiritueux affichant la plus forte croissance au monde ! Dans le même temps, la consommation de mezcal ou de sirop d’agave atteint elle aussi des sommets inédits. Et pendant que la croissance est exponentielle, l’offre elle, est particulièrement élastique : le cycle de maturité de l’agave est tel qu’il faut attendre 6 à 8 ans pour pouvoir récolter une plante avec une quantité de sucre suffisante. Cette année, les jimadores récoltent donc des agaves plantées avant 2014 ! Or, plus il y a de plantation une année, moins les prix seront élevés au moment de la récolte 6 ans plus tard ; ce qui découragera alors de planter de nouvelles agaves, au profit d’une agriculture plus rentable. Il y aura donc moins de plantations d’agaves cette année-là, provoquant mécaniquement une envolée des prix quelques années après. Et avec l’explosion récente de la demande, les pénuries sont fréquentes. Nous sommes aujourd’hui dans une période de crise exceptionnelle par sa longueur : déjà 3 ans que les prix atteignent des sommets et le retour à la normale n’est pas prévu pour tout de suite. Les tensions sont telles que la région de Jalisco a même dû faire face à des vols d’agaves récoltées clandestinement de nuit !

6. Fête de Famille

Lorsque l’on s’interroge sur la différence entre mezcal et tequila la première réponse que l’on obtient est souvent « le mezcal est une sorte de tequila au goût fumé ». Ce qui est suffisamment vague pour être plutôt juste dans la majorité des cas. Il s’agirait donc de deux spiritueux cousins. On trouve beaucoup d’articles en ligne comparant mezcal et tequila et ce qu’on peut lire dans la plupart des cas, c’est que toutes les tequilas sont des mezcals mais que tous les mezcals ne sont pas des tequilas. Ce qui est de nouveau correct… à condition de s’entendre sur la signification de « mezcal » ! Il y a en fait deux façons de le définir et c’est là que la réponse peut devenir ambiguë. Etymologiquement, mezcal signifie en nahuatl « agave cuite au four » et peut ainsi désigner tous les spiritueux à base d’agave, dont les sucres fermentescibles sont obtenus via la cuisson des piñas (le cœur de l’agave) dans un four. Mais depuis 1994, le mezcal bénéficie aussi d’une appellation d’origine protégée : « le mezcal de Oaxaca » avec un cahier des charges bien précis, offrant d’ailleurs la possibilité de produire du mezcal dans une zone de production plus étendue que le seul état de Oaxaca. Et du fait du télescopage des aires d’appellations de ces deux spiritueux, certaines tequilas sont bien des mezcals, mais pas systématiquement, loin de là.

7. Terroir

Lorsque l’on entend parler des lowlands et des highlands dans le monde des spiritueux, il y a de bonnes chances que la discussion ait trait au monde du scotch whisky. Pourtant à Jalisco aussi on distingue deux régions principales : El Valle aussi appelée Lowlands et Los Altos, les Highlands. Des sols, altitudes et climats différents produisent des tequilas aux profils aromatiques distincts. Même s’il est complexe de définir les profils aromatiques de ces deux régions, tant les variables sont nombreuses, on s’accorde généralement sur les points suivants : les tequilas des Highlands sont naturellement plus fruitées et légères comparées au caractère minéral, terreux et parfois même jugé austère des tequilas des Lowlands. Rares sont les « blends » dans l’industrie de la tequila mais de plus en plus de marques ont recourt à l’assemblage. El Rayo Tequila par exemple, lancée au UK et se décrivant comme une « modern tequila », assemble des jus d’agaves provenant des deux régions.

8. El Volcano

La célèbre ville de Tequila est une localité de quarante mille âmes au cœur de la région de Jalisco, à 1h de route à l’ouest de Guadalajara. Le nom « tequila » vient lui aussi du nahuatl et signifie « le lieu où le travail est fait », et par extension, « le lieu où les agaves sont récoltées ». Le spiritueux prend donc son nom de la ville Tequila, située au sein même de la plus importante zone de production, qui elle-même prend son nom du volcan au pied duquel elle se trouve : el volcan de Tequila. Plutôt badass. En 2018, Moët Hennessy a d’ailleurs lancé Volcán de mi Tierra une tequila qui rend hommage à ce volcan : la boucle est bouclée.

9. Starification

Le rachat de Casamigos par Diageo en 2017, pour un montant atteignant 1 milliard de dollars, avait mis en lumière la tequila imaginée par Georges Clooney et deux amis. Récemment, c’est Dwayne « The Rock » Johnson qui a fait parler de lui avec un projet de longue date appelée Terremana. Mais ce ne sont pas les seules célébrités à avoir lancé, ou être devenues actionnaires d’une marque de tequila. Saviez-vous que Rita Ora avait lancé Próspero, Adam Levine, Santo Mezquila, ou AC/DC, une improbable Thunderstruck Tequila ? La tendance n’est pas nouvelle puisque déjà en 2009 Justin Timberlake avait lancé Sauza 901 et P Diddy, fort de son succès avec Ciroc Vodka, avait pris part à l’aventure DeLeón Tequila.

10. Healthy ?

La tequila aurait prétendument des bienfaits sur l’organisme. C’est du moins ce qu’un certain nombre d’études tendent à montrer, relayées par de nombreux influenceurs lifestyle notamment aux Etats Unis. Cela semblerait bénéfique pour le système osseux, dû à la présence de fructane dans l’agave dont l’interaction avec les bactéries du système digestif serait propice à l’absorption de calcium et magnesium. D’ailleurs, le haut niveau d’inulin serait également bon pour la digestion dans son ensemble. Dans le même temps, les agavins, d’autres sucres compris dans l’agave ne sont pas assimilables par l’organisme et agiraient comme des fibres… On ne veut pas ici mettre en cause le bien-fondé de ces études, ou les bonnes intentions de ces personnes, mais rappelons simplement que la richesse de la tequila tient à sa complexité et à la largeur de son spectre aromatique, à l’héritage que représente ce spiritueux, et ce véritable morceau de Mexique mis en bouteille. Pour le reste, l’alcool, tequila ou non, doit toujours être consommé avec modération.